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Mises en examen après une émission satirique sur la Corse
LE MONDE | 14.03.02 | 13h32
MIS A JOUR LE 14.03.02 | 18h08
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Plusieurs responsables du divertissement "Les agités du JT", diffusé chaque dimanche sur France-Inter, sont poursuivis pour "injure à caractère raciste", à la suite d'un sketch qui caricaturait le peuple corse, diffusé en mai  2001.

Jean-Marie Cavada, président de Radio France, mai 2000 | AFP
 Le sketch incriminé décrit les Corses comme des "sauvages inadaptés aux lois des gens civilisés" | AFP
Peut-on rire de tout pour faire de "l'humour" ? Jean-Marie Cavada, président de Radio France, les animateurs Yves Lecoq et Virginie Lemoine, de l'émission satirique "Les agités du JT", mais aussi, Jacques Chraz, humoriste, et Christian Rose, réalisateur, se sont vu notifier, mercredi 27 février, leur mise en examen pour "injure à caractère raciste" par le juge Jean-Michel Gentil, du tribunal de grande instance d'Ajaccio.

De source judiciaire proche du parquet, "cette mise en examen est purement formelle. Dans ce type de procédure, le juge est l'obligé des plaignants : il met en examen et renvoie au tribunal correctionnel, qui, lui, apprécie." Si les faits ne sont pas caractérisés, au sens judiciaire du terme, ces notifications inhabituelles – puisque, pour la première fois, le racisme anticorse serait reconnu – ont profondément surpris à Radio France, où l'on n'en finit plus de regretter "ce sketch qui recherchait un effet, visiblement raté", confie Yves Lecoq.

Les faits remontent au 27 mai 2001. Dans l'émission satirique dominicale qu'il présente à 10 heures avec Virginie Lemoine, le producteur-animateur Yves Lecoq se prête à une imitation de Lionel Jospin. Il dit un texte écrit par Chraz. "Les textes sont amenés à la dernière minute,se souvient Yves Lecoq, qui refuse de couper le sketch au montage, même s'il ressent un malaise. Je l'ai rapidement lu, cela me paraissait suffisamment exagéré." Le sketch décrit les Corses comme des "sauvages inadaptés aux lois des gens civilisés".

"INADMISSIBLES "

L'émission provoque immédiatement la réaction de l'association Corses debout !, fondée par Joseph Comiti, l'ancien ministre, aujourd'hui décédé, du général de Gaulle, qui voulait dénoncer "le racisme anticorse qui transparaissait dans divers médias". Paul-Michel Castellani-Leandri, membre de l'association, écrit le 27 juin à Dominique Baudis, le président du CSA : "Bien que cette émission se veuille humoristique, les injures qui ont été proférées sur les Corses sont inadmissibles", affirme-t-il. Son courrier reste sans réponse. Le 10 juillet, l'affaire prend une ampleur insoupçonnée avec la publication du script intégral du sketch par Corse Matin. Jean-Luc Hees, directeur de France-Inter, débarque sur l'île pour présenter ses excuses sur la station locale corse du réseau France Bleu (Frequenza Mora).

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Communication

Dans le même temps, le Cercle Moro-Giafferri, qui regroupe des avocats et magistrats parisiens d'origine corse, menace de porter plainte pour "incitation à la haine et à la violence". Ils se rétracteront au vu des marques de contrition qui se multiplient.

Jean-Luc Hees explique ainsi, dans une lettre envoyée à Jean Baggioni, président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse, que "jamais, au grand jamais, cette antenne n'a voulu blesser quiconque, et n'a pas imaginé (certainement à tort) qu'elle pouvait meurtrir à ce point votre communauté". Chraz affirme, lui, qu'il est "désolé" : "Je ne voulais que caricaturer (...). En tant qu'Auvergnat, de père polonais et de mère yougoslave, je suis mal placé pour être raciste." Mais le contexte ne prête pas à l'apaisement. Le processus de Matignon est bloqué sur le bureau du Sénat, un attentat est perpétré, lundi 23 juillet, contre la gendarmerie de Borgo. José Rossi, président de l'Assemblée de Corse, saisit les 51 conseillers territoriaux, le 25 juillet : "Dans la situation de crise que connaît la Corse depuis trop longtemps, une telle émission relève de la bêtise et de l'irresponsabilité la plus totale. Elle mérite des suites judiciaires." Une motion est votée. Le texte adopté demande que les autorités publiques et de tutelles concernées se prononcent "sur la gravité des propos tenus". Il demande, de nouveau, "des excuses publiques". L'Assemblée de Corse soutiendra "les actions engagées à titre individuel ou collectif" dans le cadre de la législation actuelle. M. Baggioni devra saisir le procureur de la République pour "porter ces faits à la connaissance de la justice au titre de l'article 40 du code de procédure pénale".

En août, Unione Corsa, une association de défense du peuple corse basée à Antibes (Alpes-Maritimes), reprend le flambeau et dépose plainte contre Radio France pour "injure raciale" et "complicité". "Nous défendons la cause corse et combattons toutes les atteintes qui lui sont faites. Auraient-ils eu le courage de faire le même sketch en changeant "les Corses" par "les juifs" ou "les Arabes"?", interroge Jeannot Magni, son président.

Huit mois plus tard, les voix corses ne tempêtent plus en chœur. La tension est retombée. Interrogé après l'annonce des mises en examen, le président du Cercle Moro-Giafferri, Jean-François Marchi, maintient qu'il fallait réagir aux propos qui ont été tenus. Mais il fustige désormais ceux qui "font commerce de l'indignation" : "Nous ne voulons pas mélanger notre voix à celles de roquets. Cette procédure va ridiculiser les Corses. C'est pervers de la part de la justice, qui aurait dû classer l'affaire immédiatement." De son côté, Jean-Luc Hees répète encore que cette affaire "a relevé du mauvais goût", admettant que "de temps en temps on est à côté de la plaque". "Cela nous a été salutaire, estime-t-il. On ne peut pas dire n'importe quoi. On a des droits en France, à nous de ne pas les traîner dans la gadoue". Et d'ajouter : "Chraz et Lecoq, cela leur a fait du bien."

Florence Amalou et José Barroso


La fonction "salutaire" des "Guignols"

Dans un contexte législatif différent, découlant de la loi sur la presse de 1881 – notamment sur la diffamation –, l'émission satirique "Les Guignols de l'info", sur Canal+, a rarement été confrontée à la justice. Les hommes politiques rechignent en général à des poursuites qui pourraient leur causer une mauvaise publicité. Deux cas bordent cependant les annales judiciaires des "Guignols". En janvier 1991, la chaîne a été condamnée par le tribunal de grande instance de Paris à verser 13 720 euros à Françoise Sagan pour utilisation dévalorisante de son image. En février 1999, Peugeot et Citroën avaient perdu leur procès en appel contre Canal+ (Le Monde du 15 février 1999). Dans leur délibéré, les juges de la cour d'appel de Reims avaient considéré que les "Guignols" remplissaient une fonction "éminente et salutaire" et participaient "à leur manière à la défense des libertés".

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 15.03.02




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