Contributions de Marie Thérèse
Rotily-Forcioli et Paule Villanova

Les Arrêtés Miot

La fiscalité de la Corse, depuis l'époque génoise, mises à part les périodes du gouvernement de Pascal Paoli, élu général de la nation corse en 1755, et de Miot de Melito, nommé gouverneur de la république après l'insurrection de la "Crucetta", a toujours été caractérisée par une fiscalité de rendement au profit des collecteurs d'impôts et taxes et non de développement au profit de la Corse, par une fiscalité française non adaptée à la spécificité du caractère insulaire et montagneux de la Corse.

Il n'est pas de politique économique sans politique fiscale adaptée.

A l'heure actuelle il est beaucoup question du futur Statut fiscal de la Corse. On doit arracher un vrai statut fiscal et non un statut dérogatoire, car en demandant un statut dérogatoire on se place en tant que Région qui fait appel à la solidarité nationale, ce ne doit pas être le cas, il faut que se soit le Statut siscal de LA Corse. Mais pour l'heure le plus important est de défendre les Arrêtés Miot en ce qui concerne les droits de succession, et c'est bien l'objectif que c'est fixé le Collectif, n'est il pas intitulé Culletivu di Difesa di l'Arristati Miot.

Tout d'abord voyons brièvement ce que l'on entend par "droits de succession".

Droits de succession

A - France

Dans le délai de 6 mois après le décès, il est obligatoire de déposer une déclaration de succession dont le but est exclusivement fiscal: savoir s'il y a lieu ou non de payer des droits de succession selon l'importance du patrimoine.

B - Corse

En vertu des Arrêté Miot datant du 1er Empire et résultant d'un abandon des forêts corses au profit de l'Etat (L'Arrêté Miot n'était pas un avantage concédé gratuitement mais le résultat d'une tractation),

  • il n'y a pas de délai pour déposer la déclaration de succession de toute personne résidant en Corse à son décès.

  • il n'y a pas de méthode particulière d'évaluation pour le cas ou la déclaration serait déposée.

Il faut noter que dans un arrêt du 4 Décembre 1984, la Cour de cassation a établi qu'il n'y avait plus aucun moyen d'évaluation, car la base, soit la contribution directe, n'existe plus et que son remplacement par le revenu cadastral n'est pas fondé. L'actif immobilier est donc porté simplement pour mémoire, donc pas taxable.

Mais avec l'amendement De Courson-Charasse, ces avantages vont disparaître et cela entraînera un éclatement du patrimoine, car les Corses seront obligés de vendre leur maison paternelle pour pouvoir régler les droits de succession, calculés sur la valeur vénale des biens. Il est donc indispensable de rétablir les avantages acquis historiquement quant au non paiement des droits de succession et obtenir une exonération pure et simple par voie législative de tous les biens immeubles situés en Corse.

Il faut souligner que ce droit s'applique aux biens et non aux personnes. Ainsi un parisien ayant une maison en Corse bénéficie des mêmes droits que les Corses.

En effet toute personne devenant propriétaire d'un immeuble situé en Corse, ne paye aucun droit de succession sur cet immeuble, quelque soit sa nationalité, que cette personne soit résident ou non résident, français ou étranger (mesure d'incitation à l'investissement).

Danger en cas de non-rétablissement de nos droits

  • II y aurait une surcharge fiscale.

  • Pourquoi rajouter un impôt sur une économie déjà fragile ?

  • Mauvais état des bâtiments et des terres.

  • Peu de rapport du foncier.

- Problème de l'évaluation
Exemple: une propriété en bord de mer n'a pas de valeur tant qu'elle n'est pas vendue. 20 ha constructibles en bord de mer peuvent valoir 5 000 000,00 frs - mais ne rapportent strictement rien - la valeur du capital étant dégagée lors de la vente.

- Achèverait la détérioration de notre patrimoine historique et culturel.

En effet si d'aventure on ne revenait pas au statut initial, ce serait la fin du patrimoine corse, l'obligation de vendre sa terre pour pouvoir régler les droits de succession (les impôts du défunt).

Par exemple en ligne directe, (c'est à dire entre parent et enfant), pour un patrimoine immobilier de 700 000,00 frs, après l'abattement légal qui est actuellement en France de 300 000,00 frs, la taxation appliquée sera de 20% (par tranche de 5%, 10%, 15% et 20%) sur les 400 000,00 frs restant, soit 68 750,00 frs de droits, alors qu'actuellement les droits sont de 0.

Par ailleurs toutes nos familles comptent des célibataires, oncles, tantes ou cousins, dont le patrimoine, souvent indivis est dévolu aux neveux et nièces, aujourd'hui sans payer de droits de succession. Le non-rétablissement des Arrêtés Miot rendrait impossible cette transmission de biens car elle serait taxée à 55%, obligeant souvent l'héritier à se dessaisir de son bien pour acquitter les droits de succession à l'Etat.

Par exemple sur un même patrimoine immobilier de 700 000,00 frs, après l'abattement légal qui est actuellement en France de 10 000,00 frs, au décès de l'oncle, la taxation appliquée sera de 55%. (690 000,00 frs X 55% = 379 500,00 frs), soit 379 500,00 frs de droits, alors qu'actuellement les droits sont de 0.

Entre frère et soeur, les droits seront, après l'abattement légal de 10 000,00 frs, de 35% pour un patrimoine allant jusqu'à 150 000,00 frs, 45% pour un patrimoine supérieur à 150 000,00 frs. Chacun d'entre nous tient viscéralement à son patrimoine familial, il n'y a qu'à voir le nombre de personnes qui ont adhérées à l'association Miot, pour s'en rendre compte, et se refuserait à le vendre pour des raisons purement fiscales.

Avantages des Arrêtés Miot :

1) Préservation du patrimoine, tout cela a déjà été expliqué plus haut.

2) Incitation à l'investissement.

Un autre avantage et pas des moindres est l'incitation à l'investissement dans l'immobilier. En effet, actuellement les comptes en banque et autres valeurs mobilières (Codevi, Livret ...) sont soumis à l'impôt au moment du décès (même taxation que sur le Continent), de 5% à 40% en ligne directe, après abattement de 300 000 frs, de 35% à 45% entre frère et soeur, de 55% entre oncle et neveux et entre collatéraux jusqu'au 4° degré et de 60% au delà du 4° degré.

Pour éviter de payer les droits, il était fréquent de voir des personnes acquérir des biens immobiliers qui eux échappaient à cet impôt. Ces mesures incitaient au développement économique et à la relance du marché immobilier par l'investissement dans l'immobilier.

Au moment de l'amendement De Courson-Charasse, beaucoup de personnes ont renoncé à faire des acquisitions, ne voulant pas augmenter leur capital immobilier qui devenait par le fait de cet amendement, taxable, ce qui a freiné les achats.

3) Autre mesure d'incitation à l'investissement est que ce droit, comme déjà dit plus haut s'applique aux biens et non aux personnes. Cette mesure profite à l'ensemble des contribuables, quelque que soit leur nationalité. Il suffit d'être propriétaire d'un bien immobilier en Corse pour ne payer aucun droit de succession sur ce bien.

Proposition

l ) En ce qui concerne les impôts que perçoit l'Etat en matière de :

  • Droits de succession sur les valeurs mobilières

  • Impôts sur la fortune.

Taxe au profit de la Collectivité Territoriale de Corse, le produit de ces impôts serait affecté à la Corse.

2) Exonération de droits de succession pour les immeubles situés en Corse avec en contre partie l'obligation d'établir dans les 10 mois du décès, l'attestation immobilière de propriété qui constituera le titre de propriété des héritiers du défunt (attestation immobilière : acte qui consiste à opérer la mutation, après le décès, des biens du défunt aux héritiers).

Il est aujourd'hui indispensable d'engager une importante mobilisation populaire afin d'arracher le rétablissement des Arrêtés Miot.

Il en va de la survie de notre patrimoine.

Nous demandons l'application de l'Arrêté Miot, tant en vertu de l'Arrêté lui même, que de son application juridictionnelle qui nous permet depuis l'Arrêt du 4 Décembre 1984 la gratuité des droits de succession en matière immobilière. 

A Bastia, le 2 février 2000

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