Journal de la Corse - 16 Novembre 2001

Edito - Si tous les Corses du monde

 

On a souvent tendance à comparer peuple corse au peuple juif, surtout pour ce qui est de leur diaspora. Les deux peuples ont, en effet, essaimé à travers le monde et ils ont des points communs: la solidarité dit-on et une parfaite assimilation du milieu étranger.

Pourtant les différences sont plus nombreuses et plus marquées que les similitudes. Même et surtout dans la diaspora. Ainsi tous les Juifs, où qu'ils soient, ont le regard tourné vers Israël et rien de ce qui s'y passe ne leur est indifférent. Les Corses, au contraire, se fondent volontiers dans le pays qui les accueille jusqu'à oublier leurs racines.

Qu'ont-ils donc de commun avec la Corse les descendants de ces Capicursini qui s'en allèrent, jadis, chercher fortune aux Amériques et ne remirent plus les pieds chez eux ? Et combien de Corses installés sur le Continent ne parlent de la Corse qu'au passé ? On note, bien sûr, ça et là, quelques réveils de conscience mais la diaspora corse, dans son ensemble, reste assoupie au creux des petits et des grands conforts du pays adoptif. Peut-être parce qu'il n'ont connu ni les ghettos ni les fours crématoires de la "solution finale", les Corses de l'extérieur semblent avoir trop souvent oublié qu'ils étaient les fils d'une même terre et d'un même peuple aujourd'hui menacés de voir disparaître leurs héritiers légitimes au bénéfice de nouveaux venus qui ne songent même pas à faire souche.

Si tous les Corses du monde pouvaient se persuader d'un tel danger et en prendre la véritable mesure il y aurait sans doute pour leur peuple un avenir meilleur et sans doute aussi moins de violence dans ce pays qui se déchire parce qu'il perd avec son équilibre naturel de profondes raisons d'espérer.

Aimé Pietri

Mémoire du site