Paris, le
20 juillet 2000 Les discussions
qui ont eu lieu depuis le 13 décembre 1999 entre
le Gouvernement et des représentants élus
de la Corse ont conduit le Gouvernement aux conclusions
suivantes, qui doivent permettre l'aboutissement positif
de ces discussions.
Afin de mieux prendre en compte les spécificités
de la Corse dans la République, tenant à
sa situation insulaire et à son histoire, ainsi
que les enseignements de l'application de son statut particulier
et dans le but de clarifier les responsabilités
dans la gestion des affaires de l'île, de favoriser
son développement économique et social et
de fonder durablement la paix civile :
• Des réformes seront proposées
dans les domaines suivants :
- l'organisation administrative de la Corse et
les compétences de la collectivité
territoriale
- le statut fiscal, la fiscalité sur les
successions et le financement de l'économie
• l'enseignement de la langue corse.
• Un projet de loi de programmation
sera élaboré, pour permettre une mise
à niveau des infrastructures publiques.
• Des discussions seront engagées
avec la Commission européenne, sur la base du
document annexé, élaboré conjointement.
1 - L'organisation administrative
dé la Corse et les compétences de la collectivité
territoriale :
La simplification de l'organisation administrative
: L'existence d'une collectivité
territoriale et de deux départements pour l'administrationde
la Corse ne favorise ni la clarification des responsabilités,
ni l'efficacité de la gestion.
Une première solution, pour laquelle
le Gouvernement avait exprimé une préférence,parce
qu'elle semblait pouvoir être menée à
terme sans révision de la Constitution.consistait
dans la suppression d'un département. Le département
désormais unique et la collectivité territoriale
auraient eu une assemblée et un exécutif
communs.
Lors de la réunion des présidents
de groupe de l'assemblée de Corse, une préférence
s'est nettement exprimée pour la suppression des
deux départements et la mise en place d'une collectivité
unique, cette réforme ne devant intervenir qu'à
l'expiration du mandat de l'assemblée de Corse,
en 2004. Le Gouvernement est disposé
à se placer dans cette perspective, tout en relevant
quecelle-ci n'a pas à être concrétisée
durant la présente législature et qu'elle
impliquerait une révision constitutionnelle
La suppression envisagée des départements
ne devrait porter atteinte ni à la qualité
duservice public, ni à l'équilibre entre
les parties de la Corse. L'organisation et l'implantation
des services de l'Etat et de la collectivité territoriale
devraient tenir compte de ces impératifs.
La réorganisation des services
serait alors conduite en concertation avec les organisations
représentatives des personnels. Tant
que les trois collectivités subsisteront, la collectivité
territoriale de Corse pourra mettre en place avec les
deux départements un dispositif de coordination
de leurs politiques, dans le respect des compétences
de chacun.
Une amélioration de l'organisation
des institutions de la collectivité territoriale
devra également être recherchée.
La décentralisation de nouvelles
compétences :
De nouvelles compétences
seront décentralisées au profit de la collectivité
territoriale de Corse.
Elles pourraient concerner les champs
d'activité suivants :
• l'aménagement de l'espace,
• le développement économique,
• l'éducation,
• la formation professionnelle,
• les sports,
• le tourisme,
• la protection de l'environnement,
• la gestion des infrastructures et des services de
proximité,
• les transports.
Ces transferts de compétences
seront opérés avec le souci de favoriser
la constitution de "blocs de compétences " cohérents.
Des discussions ultérieures entre le Gouvernement
etles élus de Corse permettront d'en préciser
les contenus.
L'organisation des services de l'Etat
sera modifiée, après concertation avec lesorganisations
syndicales, pour tenir compte des transferts de compétences
réalisés. L'Etatconservera dans tous les
cas la capacité de mettre en œuvre les politiques
nationales et d'exercer ses missions de contrôle.
L'adaptation des normes :
Les spécificités
de la Corse peuvent justifier que des normes réglementaires
voirecertaines dispositions législatives soient
adaptées à la Corse.
Le statut actuel de la Corse prévoit
déjà, dans son article 26, que " L'assemblée
de Corsepeut présenter des propositions tendant
à modifier ou adapter des dispositions législatives
ou réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration
concernant les compétences,
l'organisation et le fonctionnement de
l'ensemble des collectivités territoriales de Corse,
ainsi que toutes dispositions législatives ou réglementaires
concernant le développement économique,
social et culturel de la Corse ".
Ce mécanisme n'a pas fonctionné.
Il apparaît aujourd'hui que cette faculté
d'adaptation,qui est nécessaire, serait mieux mise
en œuvre si la collectivité territoriale de Corsepouvait
procéder à certaines adaptations par les
délibérations de son assemblée, dans
des conditions qui seraient déterminées
par la loi.
Le Gouvernement proposera au Parlement
de doter la collectivité territoriale de Corsed'un
pouvoir réglementaire, permettant d'adapter les
textes réglementaires pardélibération
de l'assemblée.
S’agissant de l'adaptation de dispositions
législatives, le Gouvernement proposera auParlement
de donner à la collectivité territoriale
de Corse la possibilité de déroger, par
sesdélibérations, à certaines dispositions
législatives, dans des conditions que le Parlement
définirait, les adaptations ainsi intervenues à
l'initiative de l'assemblée devant, comme le prévoit
la décision n° 93-322 du conseil constitutionnel
du 28 juillet 1993 qui affirme la conformité à
la Constitution de telles expérimentations, être
ensuite évaluées avant que le Parlement
ne décide de les maintenir, de les modifier ou
de les abandonner.
Les élus de l'assemblée
de Corse ont également exprimé le souhait
qu'au-delà de cetteprocédure autorisant
des délégations temporaires par le Parlement
du pouvoir de déroger à des dispositions
législatives, et à l'issue de ce qu'ils
qualifient de période transitoire s'achevant avec
la mise en place de la collectivité unique, soit
reconnue de manière permanente à la collectivité
territoriale de Corse la possibilité d'adapter
par ses délibérations des dispositions législatives,
selon des principes généraux et dans des
conditions fixées par le Parlement.
Dans cet esprit, il peut apparaître
cohérent avec une démarche de responsabilisation
des institutions de la Corse d'envisager l'élargissement
et la pérennisation du dispositif qui aurait été
mis en œuvre sur la base de la décision du conseil
constitutionnel du 28 juillet 1993. Le Parlement pourrait
ainsi autoriser l'assemblée territoriale de Corse
à adapter par ses délibérations,
dans certains domaines précisément déterminés
et dans le respect des principes qu'il aura fixés,
des dispositions législatives déjà
en vigueur ou en cours d'examen. Les délibérations
adoptées par l'assemblée de Corse dans ces
conditions seraient, sous réserve de l'exercice
des voies de recours devant la juridiction administrative,
exécutoires. De valeur réglementaire, elles
ne seraient pas soumises à une validation ultérieure
obligatoire de la part du législateur.
Il est certain toutefois que l'attribution
à la collectivité de Corse d'une telle facultéd'adaptation
de mesures législatives, en dehors de la procédure
décrite par la décision duconseil constitutionnel
du 28 juillet 1993, nécessiterait une révision
préalable de la Constitution. Celle-ci serait entreprise
au regard du bilan des adaptations déjà
réalisées d'ici 2004.
Il est bien entendu que les révisions
constitutionnelles ci-dessus envisagées supposeraient
l'accord des pouvoirs publics alors en fonction. Elles
nécessiteraient en tout état de cause le
rétablissement durable de la paix civile.
2- Le statut fiscal, la fiscalité
sur les successions et le financement de l’économie:
Le statut fiscal :
le dispositif d'incitation à I
investissement L'objectif de développement
économique de la Corse doit guider la définition
du statutfiscal appelé à succéder
à la zone franche, à compter de janvier
2002.
Ce statut doit bénéficier
d'une certaine stabilité dans le temps, viser la
réalisation d'objectifs de nature économique
et sociale et faire l'objet d'une évaluation périodique
conduisant, en tant que de besoin, à des adaptations.
Le coût des exonérations
devra tenir dans une enveloppe constante, telle qu'elle
peut être évaluée aujourd'hui.
Les objectifs prioritaires sont :
- la relance de l'investissement et le développement
de la capacité de production del'économie
de la Corse dans des secteurs définis comme
prioritaires : hôtellerie,nouvelles technologies,
industrie, énergie.
- le développement économique des
zones défavorisées de l'intérieur
de l'île.
Le Gouvernement proposera
au Parlement d'inciter à l'investissement dans
les secteursprioritaires de l'économie de la Corse
par un mécanisme reposant sur un crédit
d'impôt, égal à un pourcentage à
déterminer de l'investissement réalisé.
Ce crédit d'impôt serait reportable et partiellement
remboursable, au terme d'une période à déterminer.
Ce dispositif de soutien à l'investissement
en Corse aura vocation à s'appliquer pendant 10
ans, sous réserve de l'agrément communautaire.
la fiscalité indirecte
La situation actuelle se caractérise
par des taux particuliers de TVA, une affectation de 3%
des recettes de TIPP aux départements et de 10%
à la collectivité territoriale de Corse
,une affectation totale à la celle-ci des droits
sur les alcools, une affectation de 25 % des droits sur
les tabacs aux départements et 75 % à la
collectivité territoriale de Corse, leur taux étant
réduit par rapport au continent. Au total, l'ensemble
de ces dispositions se traduit chaque année par
une contribution du budget de l'Etat de 930 MF.
Le Gouvernement proposera au Parlement
:
- de maintenir le dispositif existant, sous réserve
de sa conformité aux règles communautaires
- de remplacer le transfert des droits sur les alcools
par un transfert équivalent deTIPP.
- La part de la TIPP transférée au profit
de la collectivité pourra être accrue
pour tenircompte notamment de la charge résultant
des compétences nouvelles qui lui seront transférées.
Le Gouvernement proposera au Parlement
le dispositif suivant :
- le principe de l'obligation de déclaration
de succession s'appliquera pour lessuccessions ouvertes
à compter du l er Janvier 2001 ;
- la reconstitution des titres de propriété
sera effectuée au cours d'une période
transitoirede 10 ans ; pendant cette période,
des mesures d'aide à l'expertise seront financées
avecle concours de la collectivité et de l'Etat
; l'exonération des droits de licitation et de
partage ainsi que des droits sur les procurations et
les attestations notariées après décès
sera reconduite :
- pendant cette période de 10
ans, l'exonération des droits sera complète.
Pour une deuxième période, d'une durée
de 5 ans, un dispositif comportant une réfaction
de 50% sur la valeur des immeubles sis en Corse sera
mis en place pour les successions ;
- le délai de dépôt
des déclarations de succession sera allongé
pendant la période transitoire de 10 ans pour
permettre, quand c'est nécessaire, la reconstitution
des titres de propriété ;
• Le bénéfice des dispositions
précédentes sera conditionné par
la reconstitution des titres de propriété,
lorsqu'ils font défaut ;
• la définition du régime
fiscal applicable aux successions à l'issue de
ces deuxpériodes transitoires, de 15 ans au total,
fera l'objet d'une concertation entre lacollectivité
et l'Etat.
le financement de l’économie
Le capital de la société
de capital risque," Femu Qui " sera porté de 4
à 23 MF afin de permettre d'accroître ses
interventions. Des solutions adaptées à
ses difficultés de fonctionnement seront recherchées.
Un dispositif renforcé de garantie
(SOFARIS-rêgion) est en cours de mise en place avec
le concours de la BDPME, de la Collectivité de
Corse et de fonds communautaires.
Le Gouvernement souhaite l'installation
de la BDPME en Corse, celle-ci paraissantsusceptible de
contribuer à la dynamisation du système
bancaire.
La présence d'un organisme de
crédit bail sera encouragée en Corse ; celui-ci
pourraitêtre Corsa Bail, sous réserve du
rachat de ses parts par des investisseurs privés.
3- L'enseignement de la langue corse
:
Les élus de l'assemblée
de Corse ont unanimement demandé la définition
d'un dispositif permettant d'assurer un enseignement généralisé
de la langue corse dans l'enseignement maternel et primaire,
de manière à favoriser la vitalité
de cette langue.
Le Gouvernement proposera au Parlement
le vote d'une disposition posant le principeselon lequel
l'enseignement de la langue corse prendra place dans l'horaire
scolairenormal des écoles maternelles et primaires
et pourra ainsi être suivi par tous les élèves,
sauf volonté contraire des parents.
Pour atteindre l'objectif recherché,
il est nécessaire d'accroître le nombre des
enseignants du premier degré formés à
l'enseignement de la langue corse. Il est ainsi prévu
:
- de donner une forte impulsion à
la formation initiale et continue en langue corse des
enseignants du premier degré. Les professeurs
des écoles seraient recrutés à
leur choix par deux concours, dont l'un comporterait
des épreuves de langue corse ;
- de recourir davantage à l'intervention
des enseignants de langue corse du second degré,
en augmentant, si besoin est, le nombre de postes ouverts
au CAPES de langue corse, ainsi qu'à des intervenants
extérieurs et à des aides-éducateurs
recrutés sur le profil " langue et culture corse
".
4 - Une loi de programmation :
Le Gouvernement proposera au Parlement
de voter un dispositif législatif prévoyant
une programmation sur 15 ans d’investissements publics
destinés à combler les retards d'équipements
dont la Corse souffre encore dans plusieurs secteurs.
Ces investissements seront financés par l'Etat
et la collectivité de Corse, selon des proportions
tenant compte des capacités de financement de la
collectivité ; en moyenne 70% seront à la
charge de l'Etat.
La programmation portera notamment, sur
les grandes opérations d'infrastructures routières
et ferroviaires nécessaires au désenclavement
des territoires. La mise au point de cette programmation
sera effectuée en concertation entre le préfet
de Corse, qui recevra un mandat du Gouvernement, et la
collectivité territoriale.
Un dispositif d'assistance à l'ingénierie
publique sera mis en place.
5- Calendrier législatif
:
Afin d'assurer la mise en œuvre de celles
des propositions ci-dessus qui appellent des mesures législatives
pendant la présente législature, le Gouvernement
élaborera un projet de loi, qui pourrait être
déposé devant le Parlement avant la fin
de l'année pour être voté en 2001.
Les mesures .relatives à la fiscalité sur
les successions feront l'objet de dispositions fiscales
spécifiques pour être mises en œuvre à
partir du l er Janvier 2001. |