Corse Matin - 8 octobre 1998

Le professeur Carcassone l'affirme : La Charte de langues régionales compatible avec la constitution

Guy Carcassonne, professeur de droit public et constitutionnaliste, a conclu hier à la "compatibilité" de la Charte des langues régionales avec la Constitution "sous la stricte réserve de certaines précautions" pouvant être contenues "dans une déclaration interprétative".

Guy Carcassone, qui était un, proche collaborateur de Michel Rocard à Matignon, avait été chargé en juillet dernier par le Premier ministre Lionel Jospin d'une mission d'expertise juridique sur la Charte pour "préciser les stipulations susceptibles d'être prises en compte au regard des règles et principes à valeur constitutionnelle".

Le principe de la signature et de la ratification par' la France de cette Charte a été annoncé la semaine dernière à Tours par le chef du gouvernement.

S'exprimant devant les parlementaires socialistes réunis à Tours, Lionel Jospin avait souligné que "le respect et la promotion du pluralisme supposaient que soit reconnue la contribution des cultures et langues régionales à notre patrimoine national".

Il avait notamment précisé : "Tels sont l'objet et la portée des propositions du rapport que m'a remis : Bernard Poignant .(N.D.L.R, maire P.S de Quimper ). Parmi ces propositions, que j'entends mettre en oeuvre progressivement, une s'impose par sa dimension symbolique", avait-il dit, en annonçant que "le gouvernement ferait en sorte que la Charte du Conseil de l'Europe sur les langues régionales et les cultures minoritaires puisse être signée et ratifiée."

Dans son rapport remis à Lionel Jospin, Guy Carcassonne souligne que la signature de la Charte "ne signifie nullement" que la France "puisse adhérer à toutes les prescriptions. envisagées", certaines étant "plus ou moins directement - contraires à tel ou tel des principes proclamés par la Constitution".

Déclaration Interprétative

Sur le plan juridique, il .suggère que la France accompagne sa signature "d'une 'déclaration interprétative".

Cette déclaration viserait, explique-t-il dans son rapport, à rappeler que, pour la France, le "groupe" - une notion utilisée dans la Charte "renvoie aux individus qui le composent et ne peut en aucun cas former une entité qui en serait distincte, titulaire de droits qui lui seraient propres". Cette précision permettrait ainsi de préserver le principe selon lequel "le peuple français est un, et la France qui garantit la jouissance des mêmes droits à tous ses citoyens; n'a jamais reconnu de minorités en son sein".

Guy Carcassonne estime en outre qu'il importe de. lever "toute équivoque" sur "un piège du vocabulaire".

La Charte insiste sur l'usage des langues dans la vie privée et dans la vie publique. Or, soulignet-il, par vie publique, la Charte n'entend pas les relations des personnes avec les pouvoirs publics (justice,, administrations...),, mais " l'ensemble des rapports collectifs hors du domicile ".

Pour lui, il y a une "confusion possible" et il convient d'en "mentionner le risque qui ne peut être écarté qu'à force d'explication ".

Concernant l'impact budgétaire de la signature de la Charte, M. Carcassonne souligne que ce texte est "porteur de principes et de reconnaissance, qui font que même si, aucun effort substantiel n'était consenti, la signature et la ratification conserveraient toute leur signification".

"C'est donc à l'Etat, ajoute-t-il qu'il appartiendra d'apprécier les mesures éventuelles à prendre".

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