Guy
Carcassonne, professeur de droit public et constitutionnaliste,
a conclu hier à la "compatibilité" de la Charte des langues régionales
avec la Constitution "sous la stricte réserve de certaines précautions"
pouvant être contenues "dans une déclaration interprétative".
Guy Carcassone,
qui était un, proche collaborateur de Michel Rocard à Matignon,
avait été chargé en juillet dernier par le Premier ministre Lionel
Jospin d'une mission d'expertise juridique sur la Charte pour
"préciser les stipulations susceptibles d'être prises en compte
au regard des règles et principes à valeur constitutionnelle".
Le principe
de la signature et de la ratification par' la France de cette
Charte a été annoncé la semaine dernière à Tours par le chef du
gouvernement.
S'exprimant
devant les parlementaires socialistes réunis à Tours, Lionel Jospin
avait souligné que "le respect et la promotion du pluralisme supposaient
que soit reconnue la contribution des cultures et langues régionales
à notre patrimoine national".
Il avait
notamment précisé : "Tels sont l'objet et la portée des propositions
du rapport que m'a remis : Bernard Poignant .(N.D.L.R, maire P.S
de Quimper ). Parmi ces propositions, que j'entends mettre en
oeuvre progressivement, une s'impose par sa dimension symbolique",
avait-il dit, en annonçant que "le gouvernement ferait en sorte
que la Charte du Conseil de l'Europe sur les langues régionales
et les cultures minoritaires puisse être signée et ratifiée."
Dans son
rapport remis à Lionel Jospin, Guy Carcassonne souligne que la
signature de la Charte "ne signifie nullement" que la France "puisse
adhérer à toutes les prescriptions. envisagées", certaines étant
"plus ou moins directement - contraires à tel ou tel des principes
proclamés par la Constitution".
Déclaration
Interprétative
Sur le plan
juridique, il .suggère que la France accompagne sa signature "d'une
'déclaration interprétative".
Cette déclaration
viserait, explique-t-il dans son rapport, à rappeler que, pour
la France, le "groupe" - une notion utilisée dans la Charte "renvoie
aux individus qui le composent et ne peut en aucun cas former
une entité qui en serait distincte, titulaire de droits qui lui
seraient propres". Cette précision permettrait ainsi de préserver
le principe selon lequel "le peuple français est un, et la France
qui garantit la jouissance des mêmes droits à tous ses citoyens;
n'a jamais reconnu de minorités en son sein".
Guy Carcassonne
estime en outre qu'il importe de. lever "toute équivoque" sur
"un piège du vocabulaire".
La Charte
insiste sur l'usage des langues dans la vie privée et dans la
vie publique. Or, soulignet-il, par vie publique, la Charte n'entend
pas les relations des personnes avec les pouvoirs publics (justice,,
administrations...),, mais " l'ensemble des rapports collectifs
hors du domicile ".
Pour lui,
il y a une "confusion possible" et il convient d'en "mentionner
le risque qui ne peut être écarté qu'à force d'explication ".
Concernant
l'impact budgétaire de la signature de la Charte, M. Carcassonne
souligne que ce texte est "porteur de principes et de reconnaissance,
qui font que même si, aucun effort substantiel n'était consenti,
la signature et la ratification conserveraient toute leur signification".
"C'est donc
à l'Etat, ajoute-t-il qu'il appartiendra d'apprécier les mesures
éventuelles à prendre". |