CORSE-MATIN - Lundi 4 septembre 2000

Me Guy Pacini de l'Unione Corsa d'Antibes:
" Il y a place pour la diaspora au conseil économique et social "

La diaspora n'est pas une entité abstraite.
Elle prend corps, par exemple, avec Me Guy Pacini, originaire de Sotta et avocat à Antibes depuis une vingtaine d'années.
Agé de 49 ans, ancien lycéen de Bastia et basketteur de l'AJB, il est un des animateurs de l'association "Unione Corsa" dans la capitale azuréenne de la plaisance (dont le cap est le point géographiquement le plus proche de l'île) qui compte près de quatre cents familles corses.
Une rencontre qui est l'occasion de prendre le pouls des Corses qui, comme Me Guy Pacini, se présentent comme des "déracinés".

- D'ici, on a l'impression que les associations corses du continent se limitent à organiser des repas conviviaux pour parler du pays...
- L'approche de notre association est, disons, plus séculière, plus en prise avec les réalités. Nous organisons des concerts, mais aussi l'enseignement de la langue corse pour les jeunes comme pour les adultes à deux niveaux : l'apprentissage et te perfectionnement. Et je peux vous affirmer que la demande est importante.

- Et comment les Corses de l'extérieur ont-ils vécu le processus de Matignon ?
- A titre personnel, c'est une très bonne chose qui ouvre des perspectives de paix et de développement. Je dirais des autres qu'ils se sentent concernés et qu'ils ont bien conscience des enjeux qui les touchent : la langue, la fiscalité, le patrimoine. Veulent-ils s'impliquer pour autant? C'est une tout autre question...

- Pourquoi ne s'impliqueraient-ils pas davantage?
- Quelques amarres ont été rompues. Par exemple, on n'a pas suffisamment mesuré les conséquences de la refonte des listes électorales de 1991 décidée par Pierre Joxe. La diaspora a été écartée et, je crois, de façon inutile puisque la fraude électorale, elle, a survécu. Par ailleurs, il faudrait que nous puissions accéder plus facilement au territoire en bénéficiant de l'équivalent du tarif résident aussi bien sur l'aérien que sur le maritime. Cela permettrait déjà. de suivre de plus près les problèmes liés au patrimoine.

- Justement, le fait d'être éloignés et dispersés vous donne une grande responsabilité dans les problèmes de l'indivision...
- Une partie mais pas toute la responsabilité car il faut aussi savoir que lorsqu'on veut remettre une maison familiale en état, il y a des gens, sur place, qui s'y opposent. Peut-être faudrait-il étudier la question de l'abandon des droits contre certaines compensations. C'est une piste, il y en a sans doute d'autres.

- Récemment dans nos colonnes, Edmond Simeoni insistait sur la nécessité de formaliser les relations entre la Corse et sa diaspora car celle-ci pourrait amener compétence et argent...
- Beaucoup de ses enfants absents seraient prêts à s'engager. Dans plusieurs domaines techniques ou pour la commercialisation de certains produits labellisés, il y a sur le continent, un savoir-faire qui serait complémentaire de celui qui existe sur l'île elle-même.

- Ça pourrait être considéré comme une corsisation déguisée des emplois...
- Beaucoup de Corses ont réussi sur le continent et ils pourraient apporter leur pierre à un nouvel édifice. Mais il ne s'agit pas plus decorsisation que le fait d'avoir créé une Université pour permettre à de jeunes corses d'étudier, de travailler et de vivre au pays.

- Ce ne sont pas les actifs mais plutôt les retraités qui reviennent en Corse...
- Mais ils repartent l'hiver et la désertification de l'intérieur s'accentue un peu plus. S'il y avait une vie associative dans les villages et une meilleure couverture sanitaire, les retraités resteraient l'hiver aussi.

- Que représente la diaspora corse ?
- Selon les dernières statistiques, 500 000 personnes sur le continent et un million de par le monde.

- Et quelle serait votre idée pour une implication plus importante en Corse ?
- On a toujours eu tendance à assîmiler la diaspora corse aux hommes politiques, en négligeant sa dimension sociale et sociologique. Je crois qu'il faudrait que la diaspora corse soit représentée à l'assemblée de Corse.

- Vous seriez engagés sur les listes des prochaines élections territoriales ?
- On pourrait peut-être l'envisager dans le cadre de l'évolution des institutions mais aujourd'hui, ça me paraît prématuré. En attendant, je pense .qu'il y a place pour un représentant au sein du conseil économique, culturel et social.

Propos recueillis par Jean-Marc Raffaelli

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