La diaspora n'est pas
une entité abstraite.
Elle prend corps, par exemple, avec Me Guy Pacini, originaire
de Sotta et avocat à Antibes depuis une vingtaine d'années.
Agé de 49 ans, ancien lycéen de Bastia et basketteur de l'AJB,
il est un des animateurs de l'association "Unione Corsa"
dans la capitale azuréenne de la plaisance (dont le cap est le
point géographiquement le plus proche de l'île) qui compte près
de quatre cents familles corses.
Une rencontre qui est l'occasion de prendre le pouls des Corses
qui, comme Me Guy Pacini, se présentent comme des "déracinés".
- D'ici, on a l'impression
que les associations corses du continent se limitent à organiser
des repas conviviaux pour parler du pays...
- L'approche de notre association est, disons, plus séculière,
plus en prise avec les réalités. Nous organisons des concerts,
mais aussi l'enseignement de la langue corse pour les jeunes comme
pour les adultes à deux niveaux : l'apprentissage et te perfectionnement.
Et je peux vous affirmer que la demande est importante.
- Et comment
les Corses de l'extérieur ont-ils vécu le processus de Matignon
?
- A titre personnel, c'est une très bonne
chose qui ouvre des perspectives de paix et de développement.
Je dirais des autres qu'ils se sentent concernés et qu'ils ont
bien conscience des enjeux qui les touchent : la langue, la fiscalité,
le patrimoine. Veulent-ils s'impliquer pour autant? C'est une
tout autre question...
- Pourquoi ne s'impliqueraient-ils
pas davantage?
- Quelques amarres ont été rompues. Par exemple, on n'a
pas suffisamment mesuré les conséquences de la refonte des listes
électorales de 1991 décidée par Pierre Joxe. La diaspora a été
écartée et, je crois, de façon inutile puisque la fraude électorale,
elle, a survécu. Par ailleurs, il faudrait que nous puissions
accéder plus facilement au territoire en bénéficiant de l'équivalent
du tarif résident aussi bien sur l'aérien que sur le maritime.
Cela permettrait déjà. de suivre de plus près les problèmes liés
au patrimoine.
- Justement, le fait d'être éloignés et dispersés vous donne
une grande responsabilité dans les problèmes de l'indivision...
- Une partie mais pas toute la responsabilité car il faut
aussi savoir que lorsqu'on veut remettre une maison familiale
en état, il y a des gens, sur place, qui s'y opposent. Peut-être
faudrait-il étudier la question de l'abandon des droits contre
certaines compensations. C'est une piste, il y en a sans doute
d'autres.
- Récemment
dans nos colonnes, Edmond Simeoni insistait sur la nécessité de
formaliser les relations entre la Corse et sa diaspora car celle-ci
pourrait amener compétence et argent...
- Beaucoup de ses enfants absents seraient
prêts à s'engager. Dans plusieurs domaines techniques ou pour
la commercialisation de certains produits labellisés, il y a sur
le continent, un savoir-faire qui serait complémentaire de celui
qui existe sur l'île elle-même.
- Ça pourrait
être considéré comme une corsisation déguisée des emplois...
- Beaucoup de Corses ont réussi sur le continent
et ils pourraient apporter leur pierre à un nouvel édifice. Mais
il ne s'agit pas plus decorsisation que le fait d'avoir créé une
Université pour permettre à de jeunes corses d'étudier, de travailler
et de vivre au pays.
- Ce ne sont
pas les actifs mais plutôt les retraités qui reviennent en Corse...
- Mais ils repartent l'hiver et la désertification
de l'intérieur s'accentue un peu plus. S'il y avait une vie associative
dans les villages et une meilleure couverture sanitaire, les retraités
resteraient l'hiver aussi.
- Que représente
la diaspora corse ?
- Selon les dernières statistiques, 500 000 personnes
sur le continent et un million de par le monde.
- Et quelle
serait votre idée pour une implication plus importante en Corse
?
- On a toujours eu tendance à assîmiler la diaspora
corse aux hommes politiques, en négligeant sa dimension sociale
et sociologique. Je crois qu'il faudrait que la diaspora corse
soit représentée à l'assemblée de Corse.
- Vous seriez engagés
sur les listes des prochaines élections territoriales ?
- On pourrait peut-être l'envisager dans le cadre de l'évolution
des institutions mais aujourd'hui, ça me paraît prématuré. En
attendant, je pense .qu'il y a place pour un représentant au sein
du conseil économique, culturel et social.
Propos recueillis par
Jean-Marc Raffaelli |